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JNRC 2018 : le REN-LAC fait le diagnostic de la corruption dans le secteur de la santé
Santé

Pour commémorer la 13ème édition des Journées nationales du Refus de la Corruption (JNRC) placées sous le signe de la corruption dans le secteur de la santé, le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) a publié une étude thématique sur le phénomène dans le système et les services de santé au Burkina Faso. Depuis quelques années, le secteur de la santé est secoué par une vague de scandales de corruption liés aux rackets auxquels les malades sont régulièrement confrontés dans les centres de santé publics. En plus des nombreuses dénonciations de la presse et des plaintes de citoyens, la gestion peu orthodoxe de la Centrale d’Achat des Médicaments essentiels génériques (CAMEG) relevée par un rapport d’audit de l’Autorité supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) en 2016 est venue confirmer à quel point la gangrène est profonde. Pour commémorer la 13ème édition de ses traditionnelles Journées nationales du Refus de la Corruption (JNRC) prévues cette année du 1er au 10 décembre, le REN-LAC a décidé de jeter les projecteurs sur le secteur de la santé. Au-delà d’être interpellateur, le thème des JNRC 2018 [« La corruption dans le secteur de la santé : manifestations, impacts, responsabilités des gouvernants, rôle et place des populations dans la lutte »] est une façon pour cette organisation de la société civile de « mettre ce secteur social sensible au cœur de ses futures actions de lutte anti-corruption », a justifié le Secrétaire exécutif du REN-LAC, Claude Wetta, lors du lancement officiel des activités de cette 13ème édition. Une plateforme d’information anti-corruption Il a précisé que sa structure compte mettre à la disposition des citoyens, dès le 7 décembre prochain, un outil numérique de veille citoyenne. « Nous avons conçu une plateforme numérique d’information anti-corruption, appelée Veenem AC [anti-corruption] pour permettre aux usagers des services publics dans les secteurs de la santé et de l’éducation de dénoncer les mauvaises prestations et les cas de corruption auxquels ils font face. Cela permettra d’interpeller plus efficacement l’autorité politique afin qu’elle prenne toutes les dispositions nécessaires pour corriger les dysfonctionnements constatés », détaille le Secrétaire exécutif adjoint, Sagado Nacanabo. La création de cette plateforme numérique s’inscrit dans le cadre du projet « Accroître la participation citoyenne à la lutte contre la corruption et à la redevabilité publique à travers une plateforme d’information anti-corruption » financé par l’Union européenne. Le REN-LAC a prévu, pendant la mise en œuvre de cette action, la création de Comités de suivi-citoyen des prestations de service dans les deux secteurs de la santé et de l’éducation. Sagado Nacanabo souligne qu’au total 22 comités verront le jour en 2019 : « On aura deux comités à Ouagadougou et quatre dans chacune des cinq régions [Hauts-Bassins, Centre-Ouest, Sud-Ouest, Nord, Est] où le REN-LAC dispose de représentations à raison de deux comités par secteur. » Selon Claude Wetta, le REN-LAC priorise désormais la veille et le contrôle citoyens car, affirme-t-il, « l’expérience a démontré que l’implication des populations à la base est indispensable dans la lutte anti-corruption ». Une systématisation des pratiques de racket En 2017, le secteur de la santé s’est classé, selon le rapport annuel du REN-LAC, sur l’état de la corruption au Burkina Faso, au 13ème rang des services publics les plus touchés par la corruption. Les enquêtés y pointaient du doigt les rackets, devenus systématiques, lors des consultations des malades, les détournements de matériels et de médicaments couverts par la gratuité, ainsi que les détournements de malades vers les centres de santé privés. L’étude thématique sur les présomptions de corruption et pratiques assimilées dans le système et les services de santé secteur présentée le 4 décembre dernier confirme l’existence de ces pratiques mafieuses. D’après Sagado Nacanabo, les manquements constatés sont de plusieurs ordres et mettent en cause des sommes importantes. « Ces manquements vont de la vente directe de produits pharmaceutiques par les agents de santé, aux détournements de médicaments subventionnés au profit des pharmacies privées, à la vente de ces médicaments par les prestataires de soins dans les services de santé, en passant par les surfacturations des médicaments, l’utilisation des réactifs et du matériel du service public à des fins privées », dénonce-t-il. Des constats qui viennent renforcer les conclusions des différentes investigations déjà menées par l’ASCE-LC dans le secteur de la santé, indique de son côté le Contrôleur d’État, Mamoudou Drabo. Cette structure étatique dispose d’au moins une vingtaine de rapports de contrôle, d’audit et d’investigation dans le secteur établis entre 2009 et 2017. Les investigations sur la gestion financière et comptable du district sanitaire de Kossodo en 2016 avaient révélé des circuits parallèles d’encaissement, des prestations non facturées, directement encaissés par le traitant, la non comptabilisation de recettes encaissées et des recettes collectées non reversées estimées à plus de 13 millions de F CFA. La gratuité des soins compromise D’autres investigations ont montré une exagération des prestations de la gratuité aux fins de détourner les médicaments. Outre les détournements des paiements des actes médicaux et la vente des produits prohibés retirés du circuit médical, certains agents de santé s’adonnent à des interventions chirurgicales clandestines. Ces pratiques mettent surtout en cause des attachés de santé, qui dans les normes, ne devraient agir que conformément au principe de la délégation des taches. Le médecin étant le seul habilité pour les interventions. Analysant ces « pratiques mafieuses », le REN-LAC conclut que la politique de gratuité des soins proclamée par le gouvernement se trouve sérieusement compromise. Claude Wetta invite donc le gouvernement à la prise de « mesures urgentes contre ces actes ignobles pratiqués au quotidien tant dans les Centres de Santé et de Promotion sociale (CSPS) que dans les hôpitaux censés être de référence.» Dans cette lancée, le REN-LAC recommande à l’ASCE-LC la publication de son rapport d’audit sur la gestion de la CAMEG. De même que l’application par l’administration et les juridictions compétentes des sanctions aux coupables des détournements et des malversations constatés. Le rapport recommande aussi aux responsables des centres de santé de réorganiser les services de consultations, d’urgences, d’analyses médicales et des caisses de recettes de manière à éviter les longues files d’attentes des malades de leurs accompagnants dans lesdits services. Dans la mesure où de tels dysfonctionnements favorisent les pratiques corruptrices.

Date de publication :
31 - 01 - 2019, 11:23
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